Cour toujours

À nouveau, passant par Chercherelle (cf. une précédente enquête), je rencontrai mon amie la chèvre et, ne voulant pas être en reste, je lui dit : “Je pense que tu avais raison l’autre jour à propos de l’origine de Cheverny et de Caprinius, mais dis moi, connais-tu l’origine de Cour-Cheverny ?

facile”, me répondit-elle : “en consultant le blog de la mairie (qui renvoie à Wikipédia) on peut lire : “(l’origine de ce nom)… provient du latin vulgaire curtis, signifiant ferme. Le village aurait ainsi été une importante propriété terrienne rattachée à Cheverny…” 

C’est vraisemblable, mon amie la chèvre, cour provient bien du bas latin curtis issu du latin classique cohors coin de ferme”, mais cette seule explication est un peu courte à mon goût. Figure toi qu’en cherchant un peu, j’ai découvert qu’autrefois, le mot cour désignait aussi “tout tribunal (1). Louis de La Saussaye précise par ailleurs “…il paraîtrait que Cour n’était au premier temps de la féodalité que le siège de la justice ou cour seigneuriale du grand fief de Cheverny”  (2)

Le dictionnaire de l’ancienne langue française (du 9ème au 15ème siècle) de Godefroy, et le dictionnaire de moyen français DMF (éthymologie) nous apprennent aussi que cour avait plusieurs acceptions au moyen âge : au 9ème siècle, en ancien français, cort signifie “ferme, exploitation agricole” et “centre d’exploitation d’un fisc” (manse). À la fin du 11ème siècle et au début du 12ème court (curt) prend aussi la signification de “siège de justice” ou “curia d’un prince territorial, surtout dans sa fonction de tribunal”. mais au 10ème siècle curt ou cort signifie aussi “résidence d’un souverain (ou d’un grand seigneur) et de son entourage”. 
Par ailleurs, la définition du mot cort dans le Godefroy, dans le sens “ferme, exploitation agricole”, précise que, sous Charlemagne, les courts étaient partagés en deux classes. Les premiers, qui continuèrent à s’appeler court, étaient des manses seigneuriaux isolés. Les seconds, qu’il appelait villa, étaient composés de plusieurs villages où se trouvait ordinairement un château (toutefois, sous Charles II, dit le chauve, le nom de court ne s’appliqua plus qu’aux petites fermes) (3). 

Le domaine seigneurial était constitué par l’ensemble des terres d’un grand propriétaire, partagé en manses ou unités de cultures (dont la surface était en principe suffisante pour nourrir une famille) et l’un d’eux, généralement plus vaste était le manse du seigneur, “mansus indominicatus”, dont la culture était assurée par les tenanciers des autres manses sous la direction d’un régisseur. 
Il pouvait y avoir sur ce territoire la maison du propriétaire, divers ateliers et même une église, propriété seigneuriale dont le seigneur choisissait le desservant (4).

Alors ! quelle est la véritable origine du nom de Cour-Cheverny ? Comme souvent, plusieurs possibilités apparaissent et il faut en choisir une : ferme ou cour seigneuriale ? À vrai dire, vous l’avez compris : les deux thèses n’étaient pas incompatibles puisqu’à une certaine époque, (à priori, postérieure au début du 12ème siècle), il y a certainement eu une juridiction seigneuriale à Cour, et Louis de La Saussaye ne se trompait vraisemblablement pas. L’origine est de toute façon commune aux deux significations de curtis/cort, mais, chronologiquement le sens privilégié de cette origine est bien celui de la ferme, exploitation agricole ou manse dès avant le 10ème siècle (manse seigneurial ou non), puisque nous connaissons l’existence de Cheverny dès le 6ème siècle et que la première citation connue de Cour-Cheverny date de 1145 (mention de l’église dépendant de l’abbaye de Bourgmoyen, diocèse de Chartres). 

“Mais, je suis déjà trop long et je suis obligée de te quitter mon amie la chèvre ; je reviendrai pour te conter la suite à propos des différentes significations du mot “cour”, notamment au Moyen-âge et, plus particulièrement, à partir du 16ème siècle avec la Cour des rois de France. À cette occasion, je te parlerai du poète Ronsard et de ses liens avec Cour- Cheverny et avecle Chancelier Philippe Hurault de Vibraye, Comte de Cheverny.” 

Tout au long de l'Histoire, le village a porté d'autres noms, comme Cour, Courchiverny, Cour-en-Sologne et Cour-lès- Cheverny (lès signifie près de...). [5] 

À suivre...

(1) Le Prégorier 
(2) Louis de la Saussaye : Journal du Blésois et de la Sologne 
(3) Corblet ouvrage cité dans le dictionnaire de l’Ancien français de Godefroy 
(4) Françoise Moyen - art. dans l’Encyclopédia Universalis 
(5) Jean Marie Cassagne : Origine des noms de villes et villages. 

Le Héron - La Grenouille n°7 Avril 2010

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